Comme introduction, tout d’abord “les trompettes de la Renommée” de Georges Brassens :
Trompettes
De la Renommée,
Vous êtes
Bien mal embouchées !
À écouter sur YouTube.
… sans omettre, en guise de prologue, “les oiseaux de passage” :
Texte cité :
…Mais ils sont avant tout
Des fils de la chimère,
Des assoiffés d’azur,
Des poètes, des fous
…
Les bourgeois sont troublés
De voir passer les gueux
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La Fama
La Fama est fille de la Renommée : l’allégorie survole les terres en sonnant, toutes joues gonflées, de puissantes trompettes.
La Renommée semble voguer au-dessus des humains, emportée dans son élan pour les mieux persuader…
Cependant, enflammée elle-même par son message, la Renommée se laisse approcher par ses admirateurs. Or, ceux-ci ne manquent pas —suivant leur inclination si souvent dénoncée— de suggérer que ses proclamations enthousiastes reposent en fait sur la sphère instable de la Fortune !
Juchée dorénavant sur ce socle mouvant, la Renommée se voit ainsi affublée d’un compagnon bien imprévisible, le Hasard…
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Or, voici que la rumeur enflerait si volontiers…
La Renommée devance le héros en proclamant la geste qui a porté son protégé au rang des demi-dieux. Un discours qui s’alimente au fur et à mesure qu’il se répand jusqu’à envelopper l’élu d’un halo où chacun va puiser ses arguments pour saluer ou maudire son avènement.
La rumeur habille ainsi la Renommée devenue à ce point méconnaissable que son nom lui-même disparaît sous le pseudonyme de cette grande figure allégorique dont Virgile (-70, -19) et Ovide (-43, +18) dénoncent la capacité à profiter de la crédulité des peuples : la Fama règne sur Carthage !
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La rumeur induite en tentation…
À l’instar de Momus —le dieu revêche dont Alberti se délecta dans l’éloge admirable qu’il lui consacra (“Momus ou le Prince”, Leon Battista Alberti, éd. Les Belles Lettres)—, la Rumeur ne put s’empêcher de se jouer des vérités ou plus simplement du raisonnable…
Et voici comment la Calomnie s’empara de la Fama telle que décrite par Shakespeare dans son “Henri IV” :
Mes langues font circuler les calomnies sans fin
Dont je dis les paroles dans les divers idiomes,
Bourrant l’oreille des gens de faux renseignements.
* Lire à ce sujet le texte de Maxime Triquenaux si joliment conclu sur l’apostrophe de Iago “I am not what I am”.
La calomnie magnifiquement évoquée par Raphaël dans l’élan de la foule qui, traversant le tableau, précipite ses acteurs au risque de leur faire perdre l’équilibre ! Équilibre des sens…
Dès lors, la déraison n’est pas loin de dominer la gens populi égarée hors de tout repère de jugement…. Le règne de la calomnie s’installe alors puissamment au service des coquins qui en tirent les fruits.
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Une démarche au service des vils…
Beaumarchais sut dévoiler sa manifestation dans la société moderne. Un discours à ce point puissant et familier que Rossini s’en délecta dans le fameux air La calunnia e un venticello du Barbier de Séville, ici magnifiquement interprété.
Six minutes délicieuses pour sceller les péripéties qui nous guettent au fil de l’année nouvelle si nous n’y prenons garde… Veillons à éviter l’effondrement de notre bon sens et sachons préserver la préséance de la fraternité due à autrui.
Renommée, rumeur, calomnie… Trois sœurs qui se délectent de l’inclination des humains à la jalousie dont mon existence fut si souvent l’objet… jusqu’à peu.
Durant cette nouvelle année, pourvu que les serviles acteurs de tels agissements usent leur énergie à des fins plus apaisées… Je leur souhaite de découvrir combien l’étendard du héros n’est pas mon but mais bien plutôt celui du simple citoyen, actif dans notre communauté culturelle.
Encore que : celui qui désire apporter un peu de lumière ne fait que renforcer les ombres…
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