2024, programme culturel à Ferrières


Visites et rencontres : le programme cet été à Ferrières

“Rêveries au Château“ : une exposition hors du commun d’œuvres d’artistes contemporains

Un évènement culturel de prestige ouvre les saisons culturelles promises à Ferrières.

Cette exposition s’inscrit dans l’esprit des Cabinets de Curiosités promu par la Direction du Musée d’Art contemporain des Abattoirs de Toulouse : l’enthousiasme qui suivit les Grandes Découvertes à la fin du XVè siècle et la recherche de nouveaux concepts au fondement des sciences suscitèrent l’apparition de collections d’objets, plantes, minéraux, œuvres d’art destinées à générer le désir de connaître chez les visiteurs de salles réservées pour leur exposition : les Cabinets de Curiosité élaborés par des amateurs d’art et des sciences.

Ainsi, Pierre Borel, savant aux goûts éclectiques, vécut à Castres au XVIIè siècle : il fut l’un des tous premiers en Europe à décrire son Cabinet de Curiosités (dans son livre “Antiquités de Castres“ paru en 1649).

Les Antiquités de Castres, de Pierre Borel (1649)

De Pierre Borel, Ferrières retient les témoignages écrits sur l’histoire du château et quelques souvenirs de son existence à Castres. Il occupe donc une place de choix parmi les personnalités citées au fil de la visite du Château.

Or, à considérer les bouleversements considérables que nous subissons aujourd’hui dans nos façons de vivre, de parler, d’observer et d’apprendre (conséquences des nouvelles technologies, moyens de communication modernes, changements climatiques…), les artistes créateurs contemporains pourraient bien assurer le rôle de vigies, eux qui semblent nous alerter sur ce qu’ils découvrent au-delà de notre temps.

“nid-de-pie“ ou “nid-de-corbeau“ (wikipedia)

Certes, à Ferrières, la montagne qui ferme le site sur les gorges de l’Agoût est son seul horizon. Mais, justement, l’exposition de cet été peut être interprétée comme un manifeste probant de l’héritage à notre portée des Cabinets de Curiosités : lancer nos regards au-delà de nos horizons !

Parmi les artistes présents, certains sont connus du grand public, d’autres plutôt par les amateurs d’art contemporain mais qui méritent aussi une notoriété à venir.

Leurs noms (catalogue de l’exposition à disposition sur le site www.poliphile.fr à partir du 19 juillet) :
Jean-Michel Alberola, Olivier Beer, Louis Cane, Patrick Corillon, Jean Dieuzaide, Alekos fassianos, John Isaacs, Kiyonaga Torii, Mwangi Hutter, Titi Parant, Éric Pougeau, Béatrice Utrella et Bertrand Arnaud et Niki de Saint Phalle !

“Le Jardin de Rabelais“, aménagé en terrasse entre les deux tours médiévales : une invitation à mieux connaître la Nature qu’il surplombe

Dans son œuvre littéraire et sa correspondance, François Rabelais fait preuve d’une érudition remarquable dans le domaine de la botanique et sous des angles divers : description des plantes, tentative de classement, éclairages sur les caractéristiques de chacune d’elles et leurs propriétés médicinales et culinaires.

Rabelais (portrait anonyme, copie d’une gravure XVIIIè)

Si les aventures de Pantagruel et Gargantua placent Rabelais comme un des grands auteurs de la littérature mondiale, ses compétences en plusieurs matières font du médecin célèbre (il fit ses études à Montpellier et exerça dans cette ville, Lyon et nombre d’autres lieux), une référence de l’esprit curieux et savant de son époque, reconnu comme tel dans toute l’Europe jusques, y compris, aujourd’hui.

Ce n’est pas un hasard si nous mettons son nom en exergue à Ferrières : l’élaboration de la “Maison aux champs“, voici quelques quatre siècles, s’inspirait des mêmes préceptes philosophiques que Gargantua transmet au frère Jean.

La Prison d’État : un maréchal anglais témoigne

Dans les étages du Château se murmurent encore nombre d’empreintes de ceux qui y séjournèrent après la Révocation de l’Édit de Nantes, qu’ils y aient été hébergés en raison de leur fonction —soldats, invalides, gens de service— ou bien détenus dans cette Prison d’État.

Les grands portraits de Lord John Ligonier, Field Marshal et Pair d’Irlande, trônent dans la Salle du Commandant : fuyant avec ses parents les menaces promulguées à l’égard des protestants en 1685, cet enfant de Castres entama à Londres une carrière militaire exceptionnelle qui lui fit gravir les plus hauts échelons du Royaume : fait prisonnier par les troupes françaises à la bataille de Lawfeld, le Roi Louis XV tint à le recevoir à sa table, insigne honneur, si surprenant pour un ancien sujet, déserteur, professant même une religion interdite !

John Ligonier (aquatinte)

Outre le fait que “La Ligonié“, domaine qu’il acquit dans le Lautrécois, appartint à notre famille maternelle aux XIXè et XXè siècles, sa présence sur les murs de Ferrières parraine les évocations de cette période. Une occupation militaire lourde de sens qui eut pour avantage de sauver le château de la ruine puisque, entretenu par le Génie avec peu de moyens, cela suffit à en éviter la disparition.

Poliphile réveille en sa maison le souvenir de ses complices, artisans de la construction de Ferrières

À la charnière des XVè et XVIè siècles, le Moyen Âge cédait la place aux prémices de la Renaissance stimulée par les Grandes découvertes et l’invention de l’imprimerie. Ainsi, sous la plume d’un prélat italien, Francesco Colonna, naquit un roman qualifié de “rêve“, décrivant l’errance de son héros invité à atteindre la révélation de l’Amour de Dame Philosophie, Polia.

Poliphile en son Songe

Pour découvrir Ferrières, la visite guidée se réfère au Songe de Poliphile dans la cour, les salles, le jardin. Comme nous venons de le décrire, le parcours du visiteur est placé sous l’égide de quelques personnages historiques, témoins des époques marquantes de la construction du château et donc personnifications des savoirs accumulés dans l’édifice.

Une visite d’où émerge la complicité, cinq siècles après, avec l’œuvre de Colonna imprimée à Venise en 1499 sur les presses du célèbre Aldo Manuce, auquel nous devons l’invention de l’art de la mise en page et qui sert notre blog www.poliphile.fr de si nombreuses références.

Imprimeurs sur leur presse extraient la pensée de l’auteur comme le meunier sous les meules le nectar des olives ou le pain à venir depuis le grain à moudre

La présence dans les salles du château de vestiges du XVIè siècle provenant de l’imprimerie Vareil à Castres peut surprendre. C’est l’histoire d’un sauvetage occulté dans la présentation récente de ce fonds muséographique de matériel d’imprimerie cédé il y a plus de vingt ans au Département. Puisqu’il s’agit d’un épisode de l’histoire du château et particulièrement de son moulin, j’ose m’y attarder pour réduire ce silence.

Jean Cocteau, “Éloge de l’imprimerie“ (1928)

Car de l’amour du livre naquit très tôt ma passion pour le travail des Maîtres imprimeurs, tirailleurs bleus qui derrière leur machine tirent au-delà du temps (d’après Cocteau). Je rapatriais donc à Ferrières les presses et le matériel de l’imprimerie sise place Pélisson à Castres, afin de sauver ce patrimoine avec, pour condition acceptée par Mr Vareil qui prenait sa retraite, de me former à la typo.

En cela, je suivais l’exemple (rêve d’adolescence ?) de Guillaume Le Nautonier qui, vers 1600, fit installer une imprimerie à l’Ourmarié, sa propriété voisine de Vénès afin d’y réaliser l’édition de son ouvrage majeur, “la Mécométrie de l’Eymant“.

Ainsi, à quatre cents ans de distance, avons-nous tous deux obéi à la passion de publier nos ouvrages dans nos murs avant de céder le matériel acquis, lui à la Ville de Castres, moi-même au Département du Tarn (ce que semblent ignorer ceux chargés d’en raconter l’histoire, ce matériel précieux sauvé ayant été installé à deux pas du portail du château sans qu’aucun de ses responsables ni historiens mandatés n’ait cru bon de frapper à ma porte pour en connaître la genèse).

Atelier d’imprimerie – XVIè siècle

Une aventure que la présence d’un atelier d’imprimerie à Ferrières ! Inspirée tout autant par l’exode rural qui menaçait la jeunesse dans les années 70 que par les leçons de Fourrier et Saint-Simon si présentes dans l’histoire de la Montagne Noire. Aux “Presses du moulin“ succéda l’appellation “Frèrerie de Ferrières“, coopérative qui s’écroula dans un marasme indigne de l’aventure qui l’avait vu naître.

Or, le métier de l’imprimeur se doit d’être hissé à sa juste valeur : dans le parcours offert au visiteur, hommage est rendu à ce savoir-faire auquel nous devons notre liberté de pensée. La langue de Rabelais, les graffitis de ceux enfermés pour avoir lu le Livre interdit, la mise en page du Songe de Poliphile, la qualité d’impression des Antiquités de Pierre Borel et de la Mécométrie du Nautonier, sont autant de références qui donnèrent du corps aux éditions de Poliphile au Château de Ferrières, héritières du savoir-faire de l’imprimerie installée un temps dans son moulin.

Informations pratiques pour visiter Ferrières cet été

“Rêveries au Château“ : comme si le “château ambulant“ faisait escale à Ferrières dans son voyage imaginaire…

Le programme est actualisé sur le site : www.poliphile.fr

  • présentation du chantier de restauration du Château ; 
  • déambulation guidée des cours, des jardins et du logis seigneurial ; 
  • visite de l’exposition d’art contemporain, 
  • ainsi que divers moments d’animation (récital de piano, rencontres)

Conditions d’ouverture du château en 2024 : 

  • du 19 juillet au 22 septembre (21 et 22 septembre : Journées européennes du Patrimoine), 
  • du jeudi au dimanche (fermé les lundis, mardis et mercredis).
  • de 15 heures à 18 heures (accueil des derniers visiteurs à 17h). 

uniquement sur réservation (afin de privilégier un accueil de qualité) :

  • par courriel (48 heures avant) : contact@chateaudeferrieres.eu (préciser la date, l’heure, le nombre de personnes – attendre réponse et confirmation par courriel)
  • par téléphone (48 heures avant) : +33 (0)6 85 46 27 92.

Entrée : 2,50€, gratuite pour les jeunes de moins de 18 ans.

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