Le Gijou est un charmeur tout au long de son cours dans les Monts de Lacaune : depuis son passage au “gourc fumant” dont le nom exprime l’aspect dramatique que cache la beauté du site, jusqu’à l’Agoût dont il est un affluent. De saignées encaissées à des plages de calme, il joue de ces caprices pour faire oublier qu’il ne parvient pas à être une grande rivière. Ainsi au fil de sa vallée aux resserrements impressionnants, trouve-t-on ces espaces ouverts comme autant de repos où se sont installés Gijounet, Viane, Lacaze, Sénégats, Vabre…
À Lacaze, le Gijou s’alanguit. Ici, la rudesse s’allie à l’élégance. La rudesse des pentes abruptes sur lesquelles la roche de schiste surnage dans les fourrés de genêts dont cet appendice rocheux – le “roc picat” – qui obligea le percement d’un tunnel pour l’ancienne voie ferrée abandonnée. En revanche, en amont du village, le “petit train” traversait un ruisseau sur cet impressionnant viaduc dont la courbe est si bellement dessinée.
Au XVIe siècle, des familles de la noblesse en quête de douceur l’été dans ces montagnes où minerais et élevage leur offraient des revenus appréciables choisirent Lacaze pour leur villégiature. D’autant que le charme du lieu a pour corollaire un relief suffisamment accidenté pour servir une défense éventuellement efficace.
Ainsi s’éleva sur le rocher que contourne la rivière un château massif mais richement décoré et les maisons d’un village aux toitures d’ardoises sur des façade blanchies, le tout peuplé de jardins en terrasses et de maints petits édifices de pierre moussue. Les ruelles au sortir des deux ponts escaladent les rives vers la place où mairie et église font face au château comme dans une image d’Epinal qui dirait le village idéal de la vieille France… méridionale bien sûr ! Car on y sent les échos mêlés des Cévennes et des plateaux rouergats…
Un pays de refuge et de résistance à toutes les époques qui les imposèrent… Un décor qui rappelle aussi les périodes où la prospérité durement acquise offrit un art de vivre dont l’architecture reste le témoin tellement appréciable.
Samedi 13 mai dernier, la Fédération des sociétés intellectuelles du Tarn y tenait son congrès annuel. Sous la conduite de Mme Bouyssou, présidente, ce fut un rappel des activités aussi variées que studieuses des structures fédérées, associant les vertus du savoir et de la curiosité à celles des évasions poétiques, littéraires, artistiques… Un bouquet qui trouva dans les salles du château remarquablement restaurées la justification de cette escapade hors des frontières de l’Albigeois et du Castrais. Les efforts soulignés par le Maire, M. Sablayrolles, lorsqu’il accueillit ses hôtes, puis par M. Ricard, son adjoint, qui les accompagna à la chapelle de Saint-Jean del Frech, ont fait de Lacaze une résidence d’artistes et un centre d’animation culturelle de belle qualité. En 2016, la Fondation du Patrimoine salua cette réussite en lui octroyant le prix national du concours des “Rubans du patrimoine”, appuyant par ailleurs la restauration du château au travers d’une souscription toujours en cours que nous sommes venus rappeler à cette occasion.
Gageons que M. Fabre, directeur de l’honorable “Revue du Tarn”, et les personnes qui l’ entourent – tous “mantenaïres” dans la meilleure tradition – ne manqueront pas d’évoquer dans le prochain numéro la silhouette de la Dame de Lacaze parée de ses longs gants blancs faisant l’après-midi sa promenade sur une belle jument grise dans la prairie du bord du Gijou…
Un lieu où l’imagination peut aussi encore s’évader…
O.C.
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