L’eau vive, l’eau qui dort… L’eau douce…


Dans ces mois d’été, soleil et chaleur invitent souvent à rechercher des refuges de fraîcheur… Ce que les circonstances favorisèrent au fil du calendrier de la délégation régionale Occitanie-Pyrénées de la Fondation du Patrimoine.

Que ce soit à Penne le 22 mai, puis à Camarès un mois après et enfin le 27 juin à Bonrepos-Riquet, le lancement des souscriptions de mécénat en faveur de la restauration de monuments s’inscrivirent au bord de l’eau…

Trois sites où s’illustre admirablement le savoir des hommes à marier leurs ouvrages à la puissance des cours d’eau et user de leur charme pour en faire l’écrin.


La “machine” de Camarès

Le “Rougier” est un paysage surprenant aux couleurs de western qui se niche entre le Larzac et les Monts de Lacaune. Au milieu des collines de couleur rouge brique, le Dourdou serpente après avoir traversé Camarès qui s’étire sur sa rive gauche. En face, sur la rive opposée, la “ville haute” en conserve les éléments fondateurs autant fortifiés que cultuels (les deux étant certainement concomitants) : un oppidum en forme de navire dont le cimetière scelle fièrement la proue (situation somme toute logique telle qu’on la retrouve en maints lieux par exemple à Saint-Jean de Rives).

Le Dourdou a largement contribué aux caractéristiques des deux agglomérations. Sa rive droite escarpée limite les accès, en revanche les jardins se succèdent sur la rive gauche, soigneusement délimités par des murets de chargés de contenir au mieux les crues fréquentes de la rivière. Une grande poésie se dégage de ces potagers qui allient rangées de légumes à quelques vieux rosiers tenaces persécutés par les herbes folles… Surtout, ces jardins sont agrémentés de puits, chacun original, équipé soit d’une pompe à godets soit d’un frêle balancier.

Le chemin qui longe la rivière trouve son terme contre une bâtisse de deux étages qui a les pieds dans l’eau. Un long mur élevé comme un rempart la prolonge vers l’intérieur des terres, perpendiculairement à la rivière. Son édification est particulièrement soignée : le chois des matériaux, l’agencement d’un soubassement qui supporte une rigole et, enfin, une succession d’arcades protégeant ce petit canal comme une série d’enfeus identiques ménagés dans l’épaisseur de la muraille. Un édifice certes pratique mais d’une élégance certaine, considérable par sa longueur et le soin apporté à son édification, bordé encore de quelques plans de vieille vigne grimpante qui s’y dorent au soleil : un aqueduc imposant que quelques jardinier italien nous envierait !

L’aqueduc est alimenté par une noria qu’abrite en son étage supérieur le bâtiment élevé sur le bord de la rivière. Méticuleusement restauré (comme l’ensemble de l’aqueduc), il a conservé ses pavages de galets dans les salles basses, le bâti protecteur de la chaîne aux godets (et le goulet permettant son nettoyage.

Enfin, la “machine” est intacte, son équipement superbement réaménagé : ne manquent plus que les deux mulets qui manœuvraient inlassablement le rouet supérieur. La pente pavée leur permettant d’accéder à l’étage est encore en place… Les visiteurs se font une joie de les remplacer !

En grande conversation J. Bernat, Maire de Camarès, et B. Cassagnet, délégué régional de la Fondation du patrimoine.

L’inauguration eut lieu le 22 juin sous un soleil de plomb. Nombreux étaient les élus, les représentants des structures qui avaient prêté leur concours (dont le Parc régional des Grands Causses) et surtout les acteurs de cette remarquable restauration et mise en valeur réussie à l’initiative de la Municipalité de Camarès avec le concours de la Fondation du patrimoine (diaporama).

Une œuvre aussi exemplaire par la qualité de la réhabilitation de ce patrimoine grandiose hors du commun que par la dextérité de sa réalisation ; comme se plut à le souligner Mme Marie-Thérèse Fouquier dans son propos, quinze mois suffirent entre l’acquisition du monument par la Commune et cette inauguration. Quinze mois au cours desquels les équipes de M. Michel Simonin (dont on connaît le labeur insatiable pour la révélation du château voisin de Montaigut) et l’architecte Patrick Aussibal ont su dénicher ces trésors de pierre et de savoir-faire que le lierre et les ronces masquaient aux yeux des habitants de Camarès.


Le domaine de Pierre-Paul Riquet

A 20 Km au nord-est de Toulouse, dans une petite bourgade de 260 habitants, le château de Bonrepos-Riquet, demeure historique de Pierre-Paul Riquet, concepteur du Canal du Midi, domine la vallée du Girou.

En 1655, dans le vallon de la Garenne qui jouxte les jardins, Pierre-Paul Riquet y aménagea le Modèle Hydraulique qui allait lui permettre de démontrer la faisabilité de son projet Un réservoir fermé par une large chaussée toujours existante, accumulait les eaux issues des vallons environnants afin d’alimenter un bassin infèrieur monumental de 250 mètres de long, véritable tronçon de canal. Riquet put ainsi mettre en pratique ses observations faites dans la Montagne Noire en étudiant grandeur nature l’alimentation en eau de son futur canal. Ainsi, cet ensemble expérimental de Bonrepos lui permit d’engager avec le succès que l’on connaît, le pharaonique chantier de creusement du Canal du Midi.

A lui seul, le Modèle Hydraulique incarne l’esprit d’entreprise et de génie de Pierre-Paul Riquet où se concrétise la genèse du Canal du Midi. Aujourd’hui, le Modèle Hydraulique de Riquet constitue un des principaux enjeux du projet de restauration et de valorisation du Domaine de Bonrepos. Pièce maîtresse du patrimoine du site, c’est autour de lui que s’articulent les principaux axes de développement du projet, qu’ils soient scientifique, culturel, touristique ou écologique.

Fondation du patrimoine (diaporama) 

S’il est une période de l’Histoire de France qui porte notre pays comme modèle de culture aboutie dans la civilisation occidentale, c’est bien le Siècle de Louis XIV. Bien sûr, l’ensemble prestigieux de Versailles figure comme le fleuron de ce faisceau d’art, de littérature et de modèle de stature d’un Etat. Mais le Roi Soleil lui-même engagea un autre programme qui devait placer son royaume au rang des grandes nations : le Canal des Deux Mers devait sceller le succès du génie des hommes au regard de la géographie.

Or, non seulement cet ouvrage demeure une des grandes prouesses des siècles passés, mais il reste en pleine activité de nos jours et, classé au rang du Patrimoine Mondial par l’Unesco, cette voie d’eau est la fierté des deux régions qu’elle traverse, Occitanie et Nouvelle Aquitaine.

Le domaine de Pierre-Paul Riquet à Bonrepos : le château et son jardin “à la française” et le vallon de la Garenne aménagé pour servir le système hydraulique conçu pour présenter les principes retenus pour la réalisation du Canal du Midi.

Cependant, ce patrimoine eût été presque ordinaire parmi les canaux prestigieux d’Europe s’il n’en avait été conservé un élément fondateur : le domaine de son créateur, l’ingénieur Pierre-Paul Riquet dans lequel non seulement subsiste la demeure qu’il y fit édifier mais aussi l’exceptionnelle “maquette” du système d’alimentation du Canal qu’il imagina, creusé dans son parc et qui fait encore l’admiration des visiteurs.

Acquis récemment par les collectivités, le domaine de Bonrepos comprend un château du XVIIe – remanié au XVIIIe mais qui conserve l’allure et le prestige de la construction initiale – ; un magnifique jardin à la française dont les terrasses s’étagent au Sud ; enfin, au Nord, l’ample vallon où bassins d’essai et système hydraulique du canal attendent leur restauration.

Ainsi, à deux encablures de la Ville Rose qui s’honore de la jonction du Canal du Midi et du Canal latéral à la Garonne, le domaine de Bonrepos ramène cet ouvrage immense à la dimension du visiteur avec simplicité ce qui fit la grandeur d’un royaume et aujourd’hui l’attrait du Midi de la France : une visite telle que l’ingénieux Riquet la programma afin que les émissaires de Colbert et représentants des Etats du Languedoc puissent juger sur une “maquette” grandeur nature de la fiabilité de son projet.

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